1940
1940 | Les événements.
Changement de propriétaire.
M. Bonaventure Vila Ribes, le propriétaire de la concession signée en 1935, est décédé en juin 1936. Sa fille, Madame Lolita Vila et son gendre, Monsieur Stanislas Puiggros sont donc les héritiers de la concession. Le 20 mai 1940, ils décident de conforter leur emprise sur Radio-Andorre en signant un acte avec Jacques Trémoulet, qui avait financé son installation. Cette décision devait être une précaution pour garantir la neutralité de la station face à la menace allemande sur la France, Monsieur Trémoulet étant français et Monsieur Puiggros étant andorran. D'autre part, l'administration française venait d'interdire toute diffusion de musique aux stations françaises en raison de l'invasion allemande. Ainsi, il n'y aurait pas d'ambiguïté sur la nationalité de la station, située en Andorre et dont le propriétaire serait aussi andorran. Mais trois jours plus tard, Jacques Trémoulet se rendant compte qu'il ne serait plus que responsable de la régie et que son emprise sur Radio-Andorre ne se limiterait plus qu'à un simple droit de regard, un nouveau contrat est signé. Ce nouveau contrat est très directif : Il annule purement et simplement l'acte signé le 20 mai et indique clairement que Radio-Andorre appartient à Jacques Trémoulet et à son associé Léon Kierzkowski, sur la base de la concession signée en 1935 avec M. Vila Ribes. Stanislas Puiggros n'a pas le choix, car en dehors de la concession, il n'a pas les moyens de financer une station de radio. Il reste encore un temps à la direction de la station mais avec un adjoint nommé par Jacques Trémoulet et sera peu à peu écarté puisque cet adjoint, Étienne Laffont, le remplacera au poste de Directeur en 1941.
Radio-Andorre reprend ses émissions.
Le 24 février 1940, Jacques Trémoulet reçoit, à son adresse parisienne, un courrier signé de Léon Brillouin, Directeur Général de la Radiodiffusion française qui lui transmet en pièce jointe une copie d'une décision du Président du Conseil, Edouard Daladier, l'autorisant "à reprendre provisoirement les émissions, sans circuit téléphonique d'alerte. Mais il devra être pourvu d'un poste radiorécepteur lui permettant, à tout moment d'entendre la station Radio-Toulouse. Dès que cette dernière cessera d'émettre pour une raison quelconque, la station d'Andorre devra interrompre immédiatement son émission." Ce courrier précise également que "les travaux destinés à pourvoir la station de Radio-Andorre d'un circuit téléphonique d'alerte devront être poursuivis avec diligence." (voir copie des documents ci-dessous).
Dès le lendemain, un courrier signé du Directeur des Services d'Exploitation de la Radiodiffusion Nationale est adressé à Jacques Trémoulet avec en pièce jointe une lettre du Général Jullien, Inspecteur Général Technique des Transmissions de la Défense Nationale, précisant les conditions de transmissions par ondes courtes entre l'émetteur d'Encamp et Toulouse. Il y indique les fréquences qui seront autorisées pour cette transmission. (voir copie des documents ci-dessous)
Jacques Trémoulet remettra Radio-Andorre en activité à partir du 3 avril 1940 à 22h et en avertira officiellement le ministère de l'Information le 7 avril afin que la régularisation soit faites auprès du Préfet des Pyrénées Orientales, Délégué permanent du co-prince français.
En juin 1940, les Allemands envahissent une partie de la France,
la totalité des radios de la zone occupée se sabordent et cessent
leurs émissions. Radio-Andorre ne s'arrête pas et, protégée par la
neutralité de la principauté d'Andorre, elle poursuit son
exploitation.
Le traité d'armistice entre la France et l'Allemagne prévoit dans
son article 13 l'arrêt de tous les postes de radiodiffusion
français le 25 juin 1940. Jacques Trémoulet, prudent, préfère
arrêter les annonces en français et toutes les émissions sont donc
présentées en espagnol. Les radios installées sur le territoire
français seront autorisées à reprendre leurs émissions à partir du
5 juillet mais sous le contrôle allemand pour la zone occupée et
celui de Vichy pour la zone libre. En septembre 1940, le ministère
des Affaires étrangères à Vichy autorise Jacques Trémoulet à
reprendre ses émissions en français. Il attendra octobre 1940 que
cette autorisation lui soit signifiée par écrit par le préfet des
Pyrénées Orientales via le Viguier de France en Andorre.
Radio-Andorre parle à nouveau français.


Chronologie - 1940
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30 janvier 1940 :
Décès du coprince épiscopal d'Andorre, Justi Guitart i Valardebo, évêque d'Urgell. l'intérim est assuré par Ricardo Formesa.
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24 février 1940 :
Léon Brillouin, Directeur de la Radiodiffusion française, autorise la station à reprendre ses émissions.
-
3 avril 1940 :
Radio-Andorre reprend ses émissions à 22 h.
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23 mai 1940 :
-
22 juin 1940 :
Après l'invasion d'une partie de son territoire par
les Allemands, la France signe l'armistice.
Radio-Andorre cesse, par prudence, d'utiliser le français
à l'antenne et présente les émissions uniquement en
castillan et en catalan.
-
25 juin 1940 :
La convention d'armistice prévoit que toutes les radios françaises cesseront leurs émissions le 25 juin à minuit et demi. Radio-Andorre poursuit les siennes.
-
10 juillet 1940 :
Albert Lebrun cède le pouvoir.
-
juillet 1940 :
Radio-Informations, la régie du Groupe Trémoulet et donc de Radio-Andorre, est transférée de Paris à Toulouse.
-
8 octobre 1940 :
Le préfet des Pyrénées Orientales demande par la voix du Viguier de France en Andorre, de reprendre les émissions en Français. Ce qui sera fait dès le 8 octobre 1940.
-
12 et 14 octobre 1940 :
Le gouvernement de Vichy, sous pression allemande, demande à Radio-Andorre de cesser ses émissions à 21h15 puis à 19h45 afin que l'émetteur d'Encamp ne serve pas de repère à l'aviation alliée. Jacques Trémoulet s'exécute. Finalement un accord sera trouvé pour arrêter le programme à 21h15, à condition que Radio-Andorre suspende ses émissions en cas d'alerte ou de bombardement sur Toulouse. Jacques Trémoulet ne reprendra les émissions nocturnes qu'en janvier 1943.
-
Novembre 1940 :
Les forces françaises présentes en Andorre quittent la Principauté. Elles avaient été appelées par le Conseil des Vallées pour se prémunir contre une contagion de la guerre civile espagnole sur le territoire andorran.
-
26 décembre 1940 :
La Commission d'armistice franco-italienne demande à Radio-Andorre de ne plus utiliser le chant du Rossignol comme signal de pose entre les émissions afin d'éviter toute confusion avec la radio italienne qui utilise elle, le chant de l'alouette.
1940 | Les Programmes.
L'invasion de la France n'est pas annoncée sur
Radio-Andorre.
Même si les français ont d'autres préoccupations que d'écouter
la radio en ces temps de débâcle et d'exil, Radio-Andorre est
le seul poste qui continue à émettre sans jamais faire
allusion à la guerre. Pour garder sa neutralité, la station ne
diffuse aucune information. D'avril 1940 à octobre 1940,
Radio Andorre ne parle plus français mais uniquement castillan
et parfois catalan, alors que cette langue n'est pas
officiellement autorisée. A partir du 8 octobre 1940,
les programmes sont à nouveau présentés par deux speakers,
français et espagnol, qui se contentent d'annoncer les
disques. Dès cette année 1940, Radio-Andorre propose une
émission de disques dédicacés par des auditeurs qui envoient
des cartes postales à la station.A cette époque, les "jingles" ne sont pas encore inventés. Chaque station de radio doit se présenter régulièrement par une annonce officielle. L'indicatif officiel de Radio-Andorre est "Aqui Radio Andorra", la version française étant "Ici Radio-Andorre".
En raison des circonstances, les ressources publicitaires restent rares et perturbées. La régie publicitaire du groupe Trémoulet "Radio-Informations" quitte Paris pour s'installer à Toulouse. Radio-Andorre diffuse néanmoins timidement ses premiers messages publicitaires, dont ceux de "L'Anis L'andorrana", marque de pastis de la Principauté d'Andorre et un des rares annonceurs publicitaires du pays. Stanislas Puiggros garde aussi la régie publicitaire de la station pour l'Espagne et le Portugal.
mardi 6 août 1940 | Grille de programmes
1940 | Équipe
Nouveau secrétaire général de la station, futur directeur.

Première équipe d'animation
Les essais effectués durant quelques semaines en 1939
n'avaient pas permis la mise en place d'une grille de
programme et d'une équipe d'animation. En avril 1940,
lorsque le poste est relancé, Radio-Andorre doit trouver des
speakers pour les annonces en français et en espagnol. Deux
speakers sont embauchés, l'un pour les annonces en français
et l'autre pour les annonces en espagnol. Le speaker
français, Edmond Abouly, est choisi par Jacques Trémoulet
parmi les speakers de sa station Radio-Toulouse. La voix
espagnole, qui sera féminine, est choisie par Stanislas
Puiggros à Radio Badalona en Catalogne, dont il est
également actionnaire. Cette radio proche, elle aussi, du
groupe Trémoulet, délègue donc en Andorre une de ses
speakerines, Maria Escrihuela.
Maria Escrihuela et Edmond Abouly vont présenter ensemble
les premiers programmes bilingues de la station depuis le
studio encore installé au deuxième étage du bâtiment
émetteur d'Encamp. Au bout de quelques semaines, Maria
Escrihuela va préférer se faire remplacer par une autre
speakerine, Victoria Zorzano.

La station envoie, à cette époque, ses premiers communiqués de presse, puisque l'ensemble de la presse européenne va publier des articles sur Radio-Andorre et même la revue américaine Time lui consacrera un article dès le 3 juin 1940 (voir documents ci-dessous). En raison du sabordage d'une partie de la presse française et notamment des journaux de programmes radiophoniques, la grille des programmes de Radio-Andorre n'est pas encore diffusée. La station fait réaliser une série de clichés d'une speakerine devant un micro pour les publier. En réalité, il ne s'agit ni de Maria Escrihuela ni de Victoria Zorzano mais d'un mannequin embauché pour la circonstance.
Ces photos seront d'ailleurs prises dans les studios de Radio-Toulouse, car le studio provisoire de Radio-Andorre à l'émetteur d'Encamp reste très modeste. Elles seront diffusées dans certains journaux et utilisées pour la première plaquette de présentation de la station. Elles seront même parfois dédicacées par les speakerines elles-mêmes lorsque des auditeurs demandent des photos dédicacées. Les noms des speakers et speakerines de Radio-Andorre ne sont jamais annoncés à l'antenne et la station tient à garder l'anonymat de son personnel en ces périodes troublées. Des pseudonymes seront utilisés durant toutes les années 40, 50 et 60, quant à Victoria Zorzano, elle sera tout simplement appelée "Mademoiselle Aqui" puisque c'est elle qui rendra célèbre l'indicatif de la station "Aqui Radio-Andorra".

Speakerine (non identifiée) au petit studio d'Encamp.
Le gong, outil répandu dans les stations de radio de l'époque, ponctuait les interventions, séparait les messages publicitaires ou marquait l'heure.
Organigramme - 1940
-
Administrateur :
Stanislas Puiggros.
-
Propriétaires :
Jacques Trémoulet
Léon Kierzkowsky.
-
Directeur :
Stanislas Puiggros
-
Secrétaire des Émissions
Étienne Laffont
-
Speakers / animateurs
Maria Escrihuela
Victoria Zorzano
-
Maintenance émetteur :
M. Laval
Josep Mas Palmitjavila
-
Techniciens, opérateurs du son :
Techniciens, opérateurs du son :
Victoria Segalàs i Fité
Daniel Martinet
Amadeo Rossel Pujal
Biographies.
Maria Escrihuela.

La première speakerine de Radio-Andorre, qui animera la première émission de reprise le 3 avril 1940, est déjà une habituée du micro. Née en 1916, Maria Escrihuela, est entrée à Radio Badalona en avril 1939 quand cette station a repris ses émissions à l'issue de la guerre civile espagnole. Passionnée de théâtre, elle déclamait des poèmes entre les disques à Radio Badalona et perpétua cette habitude à Radio-Andorre. Mais Maria Escrihuela, sur le point de se fiancer avec le chef d'orchestre catalan Joan Pich i Santasusana, désire retourner au plus tôt à Badalone. On embauche donc une jeune fille nommée Victoria Zorzano qui va être formée par Maria Escrihuela et prendre sa place au bout de quelques semaines. Maria Escrihuela quitte l'Andorre le 27 avril 1940 et reprend ses habitudes au micro de Radio Badalona près de Barcelone. C'est sa jeune remplaçante qui deviendra la première vedette de Radio Andorre.
Edmond Abouly.

Edmond Abouly fut le premier speaker de
Radio-Andorre. A 54 ans c'était déjà un speaker de
métier puisqu'il était rentré à Radio-Toulouse dès
le début des années 30. Choisi par Jacques Trémoulet
pour présenter en français les émissions de
Radio-Andorre, il se chargea également de former et
de mettre en place la première équipe d'animation de
la station. Les émissions de Radio-Andorre étaient
présentées à ses débuts en duo : il était donc la
voix française et Maria Escrihuela était la voix
espagnole. Edmond Abouly ne resta pas à la station
une fois cette équipe en place.
Edmond Abouly avait déjà fait une carrière dans
l'armée française de 1904 jusqu'au début des années
30 où il était maître d'armes. A ce titre, il avait
combattu durant la première guerre mondiale et avait
participé, avec l'armée française, à l'occupation de
la Rhénanie après la défaite de l'Allemagne.
(photo prise dans le studio de Radio Toulouse)
Victoria Zorzano.

Victoria Zorzano, la deuxième speakerine de Radio-Andorre, est aussi connue sous le pseudonyme de Victoria Perez mais aussi sous le nom de "Mademoiselle Aqui". Elle a fui la guerre civile espagnole qui ensanglante son pays et s'est réfugiée en Andorre. Mademoiselle Aqui deviendra un véritable mythe pour des millions d'Européens fascinés par sa voix mélodieuse qui les soulagera en ces heures de souffrance. Durant toute la guerre, elle recevra des milliers de lettres d'auditeurs de toutes nationalités et de soldats sur tous les fronts. Certains témoignages affirment, à tord, qu'elle sera la première à s'exprimer au micro lors de l'émission inaugurale en présentant le ministre Anatole de Monzie. Elle débutera en fait véritablement sa carrière à Radio-Andorre au printemps 1940, à la reprise des émissions et elle quittera la station en 1946 , après s'être mariée avec un concessionnaire automobiles de la Principauté.
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1940 | Informations techniques
Identification
Indicatif officiel :
"Ici Radio Andorre - Aqui Radio-Andorra"
Fréquences
Ondes moyennes :
le matin:
415,5 m - 722 Kc
le soir:
274 m - 1095 kc
puis : 360,60 m - 832 kc
Émetteur :
SFR
Puissance : 60 kw
Ondes courtes :
50,20 m - 5980 Kcs
35,15 m - 9330 Kcs
Puissance 1 kw
Adresses
Studio et émetteur :
Encamp
Principauté d'Andorre
Régie publicitaire
Pour la France :
11 rue Christophe-Colomb
Paris 8ème
puis :
17bis Allées Lafayette
Toulouse
1940 | Documents.
Documents internes.






1940 | Sources.
Sources bibliographiques
- FRANK TÉNOT - Radios Privées Radios Pirates - Ed Denoël 1977
- RENÉ DUVAL - Histoire de la Radio en France - Ed Alain Moreau 1980
- CHRISTIAN
BROCHAND -
Histoire Générale de la Radio et de la Télévision
en France Tome 2 1944-1974 - CHR La Documentation
Française - 1994
- EUGENIO GIRAL QUINTANA - La radiodifusión en Andorra. Política, economía y espacio comunicacional en un país dependiente - Université de Barcelone - 1988
- JEAN-PIERRE CÉLÉRIER - La Radio à Toulouse (1925 - 1945) La puissance du Groupe Trémoulet. Université de Toulouse II Le Mirail 2002
- NOGUERES (DE) LOUIS - La radio aux frontières et la Misssion de l'Etat, Cavannes, Paris 1953
- BANNEL MICHEL - A propos de Radio-Andorre, Réponse à Louis Noguères - Paris février 1953
Crédits photographiques
- Emetteur SFR :Photo DR. Plaquette de Radio-Andorre. Collection privée de Georges Maltot.
- Bâtiment émetteur : Photo Ed. Valenti Claverol. Collection privée de Jean-Marc Printz
- E. Laffont : Photo DR. Collection privée de M. Josep Mas Pons
- Speakerine
: Photo DR. Arxiu Nacional d'Andorra
- Photo DR.Collection privée Jean-Marc Printz
- Maria Escrihuela : Photo Archives privées de la famille Escrihuela via Andrès Luengo.
- Edmond
Abouly : archives familiale de la famille Abouly
transmise par son petit fils Christian Clérouin en
avril 2020.
- Victoria
Zorzano : Photo DR. Archives privées de Sylvain
Athiel.
Témoignages
- MARIA ESCRIHURLA.Interview réalisée par Andrès Luengo pour El Periodic d'Andorra le 10 octobre 2009.
- GUY PICART. Interview téléphonique réalisée par Jean-Marc Printz le 24 février 2008.
- JOSEP MAS PONS. Échanges épistolaires avec Jean-Marc Printz, depuis mars 2008.
Documents
- Article du Time : Archives privées de Jean-Marc Printz
- Autorisation d'émettre : Archives privées de Jean-Louis Marquet
- Conditions
d'émission : Archives privées de Jean-Louis Marquet.
- Officialisation de la reprise des émissions : Archives privées de Jean-Louis Marquet
- Courrier du Préfet des Pyrénées Orientales : Archives privées de Jean-Louis Marquet
- Contrat entre Trémoulet et Puiggros : Archives privées de Jean-Louis Marquet
- Annulation
du contrat entre Trémoulet et Puiggros : Archives
privées de Jean-Louis Marquet
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